Comment localiser nos systèmes alimentaires ?

Selon la FAO, d’ici 2050, nourrir une population mondiale de près de 10 milliards de personnes ne sera pas possible sans une transformation radicale dans la manière de produire, commercialiser et consommer nos aliments. SUCO souhaite donc aller encore plus loin dans la transformation des systèmes alimentaires en proposant des actions concrètes d’acteurs et actrices qui œuvrent en faveur de systèmes alimentaires locaux, pour une nourriture plus juste, soutenable et inclusive.

Pour cela, le 2 février dernier, à l’occasion de la semaine du développement international, SUCO participait au panel « Localiser nos systèmes alimentaires » organisé par l’OCIC.

Cette rencontre a ainsi permis de réunir autour de la table quatre actrices de changement en matière de systèmes alimentaires :

  • Marisa Giraldez, directrice de la banque alimentaire en Argentine ;
  • Theresa Rempel Mulaire, responsable du programme de conservation de l’agriculture pour la Banque canadienne de grains (Canadian Foodgrains Bank) ;
  • Celeste Smith fondatrice de Cultural Seed ;
  • Geneviève Talbot, chargée de programme — Pôle Afrique à SUCO.

Ces invitées ont présenté différentes perspectives autour de la décolonisation des systèmes alimentaires, de la justice alimentaire et la famine.

La décolonisation de nos systèmes alimentaires comme première étape de la localisation

Aujourd’hui encore, la faim touche plus de 800 millions de personnes dans le monde. Une personne sur neuf n’a pas suffisamment mangé quand elle va se coucher et les personnes qui souffrent de la faim sont souvent celles impliquées dans le système de production alimentaire.

Geneviève Talbot nous explique que la colonisation des systèmes alimentaires, beaucoup plus axés sur le marché et les rendements, a laissé de côté les systèmes de production locale, causant ainsi les maux actuels de la nutrition : la colonisation est à l’origine du manque de diversité dans les régimes alimentaires, c’est le cas par exemple en Bolivie où les lobbys des grandes entreprises favorisent une gamme étroite de pommes de terre, offrant des produits très limités et peu diversifiés aux populations. La colonisation a notamment effacé le savoir des locaux et leurs innovations.

Le bilan est simple : la localisation des systèmes alimentaires doit avant tout passer par leur décolonisation. Il est nécessaire de rétablir un système de production ancré dans un territoire donné. Pour ce faire, il est important d’écouter les populations locales et de les appuyer financièrement en développant des outils financiers qui permettront une véritable décolonisation des systèmes, un développement des territoires et des secteurs durables comme l’agroécologie.

La nécessité d’un retour aux sources

Celeste Smith, fondatrice de Cultural Seeds, une entreprise spécialisée dans les connaissances écologiques traditionnelles, souligne l’importance du patrimoine autochtone, un bien précieux pour les systèmes alimentaires, que nous devons préserver.

C’est au décès de sa grande tante autochtone que Celeste s’est rendu compte à quel point il était facile de perdre les connaissances et les techniques de nos ainés. Un démantèlement de nos systèmes alimentaires actuels est nécessaire, en revenant aux sources de nos savoirs. La localisation et l’économie circulaire sont des processus déjà implantés dans les régions autochtones. Pour faire revenir ces systèmes ancestraux aux connaissances traditionnelles précieuses, des financements sont nécessaires sur le terrain, de la part de personnes qui comprennent et soutiennent les valeurs autochtones. Pour cela, les organisations doivent faire preuve d’adaptation.

Des systèmes alimentaires locaux impossibles sans adaptation…

Le processus de localisation des systèmes alimentaires n’est pas de tout repos. Pour les organisations comme SUCO, ou comme la Banque canadienne de grains, il ne s’agit pas seulement de fournir des financements et une feuille de route toute tracée aux partenaires en obligeant l’instauration d’un système alimentaire local, mais plutôt d’accompagner le changement en faisant preuve d’adaptation. C’est ce que démontre Theresa Rempel Mulaire, responsable du programme de conservation de l’agriculture pour la Banque canadienne de grains, qui a observé l’évolution d’un programme en Afrique de l’Est. Alors que ce dernier, censé durer cinq ans, devait former 50 000 familles à l’agriculture locale, l’adaptation aux enjeux locaux, la souplesse et la créativité dont a fait preuve l’organisation ont permis de former plus de 60 000 familles. L’expérience de Theresa Rempel Mulaire souligne l’importance d’aborder les enjeux de façon locale, pour comprendre réellement ce qu’il se passe dans les populations. C’est cette adaptation qui permettra en finalité de développer des systèmes locaux plus performants, à condition de faire preuve de collaboration.

… et sans collaboration

En 2018, la banque alimentaire de Buenos Aires était à l’origine de l’alimentation de près de 200 000 personnes par jour. Suite à la pandémie, ce chiffre n’a cessé d’augmenter pour atteindre 500 000 personnes par jour en 2020. La directrice de l’organisation, Marisa Giraldez, souligne l’importance des systèmes alimentaires locaux et de la collaboration pour compléter les trois objectifs de la banque alimentaire : éradiquer la faim, le gaspillage et améliorer la nutrition. La banque alimentaire fonctionne grâce à la collaboration de nombreux partenaires locaux et de volontaires afin d’obtenir, de sécuriser et de distribuer la nourriture. Ils ont ainsi donné plus de 70 millions de kilos de nourriture depuis 2001.

Un long chemin à parcourir jusqu’à la localisation de nos systèmes alimentaires

Nos systèmes alimentaires actuels sont encore loin d’être parfaits. De la décolonisation, à l’usage des savoirs ancestraux en faisant preuve d’adaptation et de collaboration, ce panel a ouvert la voie à certaines pistes d’actions, en plus de celles déjà en place, pour parvenir à la localisation de nos systèmes alimentaires, afin de pouvoir, enfin, nourrir toute la population.

Renseignements supplémentaires :

Lucy Pyrrha
Stagiaire – Équipe projets
Courriel : lucypyrrha@suco.org