Du miel béton !

« Un jour, j’ai fait goûter le miel de mes abeilles à un jeune du quartier. Je lui ai demandé : alors ? – Il me répond : C’est béton ! »

Alors que les négociations sont en cours et que plusieurs activités ont lieu aux quatre coins de Paris, que ce soit à l’Espace Génération Climat du Bourget, à la Zone d’action climat ou au Grand Palais, quelques membres du collectif québécois dont je fais partie et moi-même, avons fait une petite pause de toute cette agitation dans un quartier pourtant très connu, et malheureusement pas pour de bonnes raisons, Seine-Saint-Denis. Cette ville, située en banlieue nord de Paris, a été le théâtre d’un assaut spectaculaire des forces policières suite aux attentats du 13 novembre, pour déloger un groupe de terroristes. C’est un quartier très peuplé, à forte tendance multiethnique, très défavorisé et particulièrement vulnérable aux dérèglements climatiques.

Un Parti Poétique qui fait du miel béton !

Après une bonne heure de RER et de métro, nous débarquons dans un endroit caché au fond d’une jolie rue. À la porte, Olivier Darné, fondateur du Parti Poétique, nous accueille le sourire aux lèvres, pour nous accompagner dans une jolie pièce réchauffée par un poêle à bois. Autour de la table et après nous avoir servi une bonne tisane avec du miel fait maison, Olivier nous enchante avec ses mots et sa poésie colorée. Je comprends ainsi que le Parti Poétique est un collectif d’artistes qui relie la question des abeilles et du territoire en installant des ruches sur les toits et en fabriquant du miel urbain. Olivier est un apiculteur mais aussi un artiste. Pour lui, les abeilles et l’espace public des villes sont interreliés. Avec le quartier Saint-Denis pour point d’ancrage, le Parti Poétique possède un lieu baptisé « Zone sensible », c’est là que nous avons été reçus. Pour Olivier, ce laboratoire à ciel ouvert » est à la fois un centre de recherche, un observatoire de la ville, un lieu de débats et d’expérimentations. Nouveau « quartier général » du Parti Poétique, il est le lieu de convergence, de controverse, de permanence artistique, culturelle et scientifique du projet mené par le collectif. Il abrite un ensemble de 6 pièces de différentes dimensions qui deviennent, en fonction des rendez-vous programmés, des salles de projection, d’ateliers et d’expositions.

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La Banque du miel

« Zone sensible » héberge également sur son toit un rucher expérimental et le point d’ancrage de la « Banque du miel », un autre projet de l’organisation. Olivier nous en parle «comme d’une vaste mission de pollinisation et d’essaimage» et je comprends ainsi que, par le biais d’installations artistiques dans l’espace public, la «Banque du miel» sensibilise le grand public à la lecture et à la compréhension des pressions que l’humain opère sur les milieux qu’il habite. Pour moi, alors que la COP21 bat son plein, cette visite me paraît encore plus pertinente puisque les problématiques soulevées par ce projet sont mises en évidence par deux crises actuelles: l’une écologique (la dégradation des écosystèmes, la diminution des populations d’abeilles), l’autre économique et sociale.

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La Ferme des possibles

En après-midi, Olivier nous accompagne à la « Ferme des possibles », un autre endroit extrêmement porteur d’espoir situé dans le quartier Seine-Saint-Denis, qui ouvrira ses portes au printemps 2017. Il s’agit d’une ferme expérimentale, résultat de collaboration entre 5 structures d’accompagnement de clientèles fragilisées : les jeunes sans qualification et en recherche d’emploi et les personnes handicapées. Selon nos hôtes, cette combinaison, qui au départ pouvait sembler risquée, fonctionne très bien et permet la réinsertion à l’emploi de ces jeunes. La ferme, qui a choisi un modèle de gestion coopératif, offrira une multitude d’activités d’apprentissages et de loisirs aux habitants du quartier, mais proposera aussi un lieu de production et d’expérimentation agricole. Ainsi, les récoltes produites sur place permettront la vente de paniers de fruits et de légumes biologiques et l’ouverture d’un service-traiteur, en plus d’être un lieu d’échange et de conseils sur les pratiques agricoles innovatrices.

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Après toutes ces explications que nos hôtes nous ont données, dans la serre où nous étions confortablement assis sur des bottes de foin, les membres du collectif ont posé un geste symbolique en plantant un arbre à la ferme, un arbre porteur d’espoir dans le pays hôte de la COP21 et dans un quartier très vulnérable aux dérèglements climatiques.

Thiago et Yas yasmina

– Un article de Yasmina Britel, agente d’engagement du public, SUCO.