Lorsque j’ai consulté l’appel d’offre de SUCO pour le recrutement de volontaires dans le cadre du programme Entregent d’affaires, mon goût de l’aventure, d’apprentissage, d’entraide et d’échange culturel m’ont poussé à déposer ma candidature qui a été acceptée à ma grande joie. Je suis une femme de 34 ans, mère de trois enfants, entrepreneure et productrice maraîchère depuis près de 4 ans. J’ai également exercé le métier d’agronome en tant que conseillère en agroenvironnement depuis plus de 10 ans. J’ai donc eu le plaisir d’accompagner des gens vivant une réalité différente de la mienne au niveau de la production maraîchère et de entrepreneuriat via les paniers bio durant deux semaines.
À mon arrivée, j’ai vécu un dépaysement qui m’a apporté à me questionner sur mes valeurs et ma façon de vivre au Québec. Ce passage obligatoire m’a permis de mieux me connecter avec la culture africaine et de pouvoir ainsi mieux évoluer dans un nouveau milieu éclatant de couleurs et de savoir être. En effet, j’ai beaucoup apprécié les valeurs de partage et de coopération qui régnaient autour de moi. Les gens que je rencontrais dans la rue étaient très accueillants et au fil des jours, j’ai pu découvrir, grâce à des échanges riches, la beauté de la culture africaine. Au Sénégal, la notion de temps prend une dimension différente et repose sur les valeurs, la religion, les rencontres et les événements de la vie. De ce fait, les situations de stress engendrées par les contraintes de temps sont peu nombreuses et le rythme de vie des sénégalais est paisible et lent; on prend de le temps de visiter et de discuter avec la famille et les amis, de prier, de cuisiner des plats traditionnels, etc. Les africains des secteurs moins développés semblent vivre au jour le jour en acceptant de façon sereine leur situation parfois difficile, car chaque jour apporte son lot de défis en Afrique. Les moyens financiers sont souvent restreints et les biens matériels sont souvent limités au strict nécessaire. Pourtant, l’attitude des gens est très amicale et l’entraide est palpable démontrant un esprit coopératif à l’opposé de l’individualisme.
Mon mandat qui se divisait en deux parties m’aura permis de mieux comprendre la réalité et les défis vécus chaque jour au Sénégal. En particulier lors de mon séjour dans un village paysan situé à Koulouck, où des femmes africaines persévérantes et fières cultivent des légumes en régie écologique sans pesticides, ni engrais chimique de synthèse. J’ai constaté que la dynamique et le mode de vie dans les villages paysans est très différente de celle vécue en ville. Les traditions et la proximité des maisons et des familles se comparent à un mode de vie en communauté où la solidarité et les discussions animées font partie du quotidien. Il est génial de constater que les femmes vivant de l’agriculture mettent beaucoup d’effort et qu’elles sont ouvertes et intéressées à effectuer des changements et à apprendre de nouvelles techniques et méthodes en culture maraîchère. En compagnie des femmes du village, j’ai pu poser un diagnostic concernant les problématiques observées et vécues et ainsi proposer des pistes de solution. À cet effet, j’ai pu enseigner concrètement aux femmes la technique de greffage afin de diminuer les effets néfastes des nématodes, un ravageur qui vit dans le sol et qui s’attaque aux racines dans la tomate et l’aubergine, afin de permettre d’obtenir une récolte.
La seconde partie de mon mandat était d’observer, d’étudier et d’accompagner les femmes de Nat-Bi dans leur projet de paniers bio. Un bon bout de chemin était déjà fait lors de mon arrivée grâce au volontaire déjà sur place. J’ai donc pu proposer des éléments qui allaient améliorer la gestion de l’approvisionnement et du suivi du budget hebdomadaire via des tables Excel. Aussi, j’ai témoigné de mon expérience de production de légumes et de production de paniers bio avec les légumes de ma ferme au Québec. J’ai pu partager certains éléments dans la réussite de mon entreprise tels que le service et l’approche de la clientèle, la gestion du contenu des paniers, le suivi des paiements, l’utilisation des réseaux sociaux pour la promotion des paniers. Les femmes responsables de ce projet ont pu, à mon grand bonheur, le mener à terme et effectuer avec succès leur première livraison de panier juste avant mon départ.
Les femmes du villages m’ont enseigné quelques traditions africaines que j’ai pu mettre en pratique lors de mon séjour auprès d’elles. Cette immersion dans la vie et la réalité de tous les jours vécues par ces africaines m’a ouvert l’esprit sur un mode de vie simple souvent observé dans les pays en voie de développement. Plusieurs réflexions et questionnements me sont venus à l’esprit. Ce cheminement personnel et professionnel laisseront des traces à jamais dans ma façon d’être et j’en suis très heureuse. Ce qui a suscité beaucoup d’intérêt et d’admiration chez moi est que les africains et africaines sont débrouillards et inventives. Par exemple, malgré la presque inexistence d’un système de gestion des déchets, les gens recyclent beaucoup le matériel et trouvent souvent une multitude d’utilités post-consommation aux déchets leur donnant ainsi une deuxième, voire une troisième vie comme c’est le cas des bouteilles et sacs de plastique de des boîtes de conserve.
Bien que la durée du mandat était courte, je suis fière d’avoir pu poser des diagnostics et dresser un portrait de la situation. J’ai beaucoup apprécié les échanges culturels, cuisiner avec les femmes et discuter avec les gens que je rencontrais lorsque je sortais marcher dans la ville de Thiès. Cette expérience hors du commun m’aura permis de sortir de ma zone de confort et d’élargir ma vision et ma compréhension de la culture au Sénégal. Je recommanderais cette belle expérience à quiconque désire vivre et échanger avec des gens exceptionnels. La sagesse et la persévérance des sénégalais font d’eux un peuple remarquable avec des valeurs humaines d’entraide bien ancrées dans leur façon d’être.
Par Valérie Campeau, conseillère en agriculture biologique et en entrepreneuriat, programme Entregent d’affaires, Sénégal