Fières d’être agricultrices

Voilà maintenant 4 mois que j’occupe le poste de Responsable de l’égalité entre les femmes et les hommes au Nicaragua. De temps à autre, je quitte mon bureau à Managua pour me diriger dans le nord du pays où se déroule PROGA-Jovenes, un projet de SUCO offrant une formation agroenvironnementale à des jeunes défavorisés de la région. En plus de donner de la formation et faire de la sensibilisation, mon mandat est principalement d’assurer une participation active des femmes, ainsi qu’un accès équatif aux ressources et à la formation entre les étudiantes et les étudiants.  Je profite de ces moments pour aller à la rencontre de jeunes formidables et inspirants. C’est ainsi que je vous présente, par l’entremise de ce premier billet, le compte rendu de ma première visite auprès du seul groupe entièrement composé de jeunes femmes du projet.

Aujourd’hui, le cours porte sur la prévention et le contrôle des épidémies et maladies du haricot. Les jeunes femmes se rendent sur la parcelle-école du groupe, un petit sac de plastique à la main. Leur mission : ramener des insectes porteurs de maladies ainsi que des échantillons des quelques cultures atteintes afin de pouvoir les identifier durant le cours. La parcelle est située sur le flanc d’une colline et le sentier pour s’y rendre est ardu. Les femmes enceintes et celles qui viennent accompagnées de leurs enfants, n’étant pas en mesure de descendre vers la parcelle, restent sur les lieux du cours et s’occupent pendant ce temps du petit jardin aménagé spécialement pour elles.

Rendues à la parcelle, les jeunes femmes récoltent les légumes mûrs : quelques carottes, une chayotte et du manioc. On y retrouve également des haricots, des bananes, des fleurs d’hibiscus, des patates douces, des concombres, des tomates et des radis. Tous sont cultivés de façon biologique; une méthode privilégiée dans la formation. Les plus téméraires du groupe se mettent à la chasse aux insectes. On remonte ensuite vers la salle de cours où leur professeure présente les différents types d’insectes, leur cycle de vie ainsi que les types de maladies dont ils peuvent être vecteurs. Les étudiantes doivent alors identifier les insectes recueillis ainsi que les maladies présentes sur les échantillons de plantes.

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Travail en équipe

Après le repas préparé avec plusieurs aliments recueillis plus tôt, je prends un moment avec le groupe afin de faire un suivi sur leurs avancements et une évaluation de leurs besoins. Les résultats sont concluants. Elles sont fières d’accomplir les activités et tâches normalement pratiquées par les hommes, même si elles peuvent parfois éprouver certaines difficultés. « Ça peut prendre plus de temps, mais ce n’est pas grave. L’important c’est qu’on soit capables de tout faire ! » m’a répondu l’une d’elles.

Ces femmes font preuve d’une motivation hors pair. Plusieurs marchent plus d’une heure pour se rendre au centre de formation, deux fois par semaine, et ce, sur une période de 3 ans. L’une d’entre elles me dit marcher près de deux heures et demie avec son enfant en bas âge dans les bras. C’est ce genre de témoignage qui montre à quel point le projet et la formation offerte sont importants aux yeux des jeunes femmes. Celles-ci ont l’opportunité d’améliorer leurs conditions de vie et sont conscientes de l’impact qu’elles engendrent sur leur famille. Leur succès aide également à changer la perception du rôle de la femme dans la communauté.  Celles-ci promeuvent une image qui brise les stéréotypes de la femme rurale, normalement assignée à son rôle reproductif et de ménagère.

Au moment de quitter le groupe, les femmes me remercient de ma visite et me disent espérer mon retour prochainement. « Certainement », leur ai-je répondu. Les 6 heures de route pour s’y rendre en valent totalement la peine !

Description photo: Une partie du groupe à la recherche d’insectes

Par Dominique Cardinal, volontaire en égalité entre les femmes et les hommes, Nicaragua.