Moi, c’est Milaine. Mon travail, c’est la coopération internationale. Depuis deux ans, je passe le plus clair de mon temps au Sénégal, pays de la Teranga. Là-bas, je suis une « toubab », une étrangère à la peau blanche. Je dirais même plus que blanche, translucide. Une pinte de lait sur deux pattes. Je me sens très minoritaire. Je suis une « minorité visible », plus que visible même.
Quand je prends l’autobus à Dakar, je suis souvent la seule translucide. Pendant les premières secondes du trajet, je me sens très petite. J’ai l’impression que tout le monde m’observe. Je suis mal à l’aise dans ces moments-là, je sens des bouffées de chaleur envahirent le haut de mon corps. Près de moi, je vois deux jeunes filles qui rigolent entre elles. Est-ce qu’elles rient de moi ? Je baisse les yeux subtilement à la recherche d’une tache sur mes vêtements. Je cherche ce qui cloche. Pourtant, rien ne cloche, je suis simplement un grain de café blanc. Au début, j’avais du mal à faire avec ma différence. Il m’a fallu plusieurs mois pour apprivoiser mon statut d’étrangère. J’étais vite submergée par la timidité. J’essayais par tous les moyens de cacher ma gêne. Je souriais, je communiquais en wolof. Malgré tout, on me rappelait constamment que je ne venais pas d’ici. « Hey toubab, comment t’appelles-tu ? ». Ça m’agaçait. Pourquoi est-ce qu’on me surnomme toujours l’étrangère ? Je voulais changer de couleur, je voulais qu’on me laisse tranquille.
Aujourd’hui, je me sens beaucoup plus à l’aise au pays de la Teranga. Être constamment hors de ma zone de confort m’a permis de développer une plus grande confiance en moi. Je suis plus solide. Je me suis même habituée à mon nouveau surnom. Chaque fois, ça me fait rire. Je m’appelle moi-même l’étrangère. Après tout, je ne peux pas en vouloir aux gens d’ici. La première chose qu’on voit de moi, qu’on le veuille ou non, c’est que je viens d’ailleurs. C’est écrit sur ma peau, ça se lit dans ma manière de bouger, ça se comprend dans ma façon de voir le monde. Je ne peux pas faire fi de qui je suis. J’ai vécu 24 ans au Québec. Je serai toujours une Québécoise blanche comme la neige. Comme on dit ici, « la violence du vent n’enlève pas les taches du léopard ». Rien ne pourra changer ma vraie nature. Par contre, je peux ajouter différentes couleurs à mon identité. Je m’enrichis des autres. J’ai maintenant plusieurs cordes à mon arc identitaire.