Par Awa Diop, collaboratrice en communication et éducation environnementale pour notre partenaire Enda Pronat au Sénégal.
Mariam Sow est présidente du réseau international Enda Tiers Monde et secrétaire exécutive de l’entité Enda Pronat, pour la protection naturelle des terroirs. Cette dame au grand cœur, fille de paysan, comme elle se présente est devenue une référence dans l’agroécologie au Sénégal. À travers une approche holistique, elle met les communautés au cœur de sa mission et donne comme réponse aux changements climatiques la transition agroécologique. Elle nous raconte son histoire.
C’est en tant qu’animatrice des maisons familiales rurales que Mariam Sow ou « mère » Sow, comme les gens l’appellent affectueusement, s’est fait remarquer. À l’occasion d’une activité réalisée avec une entité de l’ONG Enda Tiers Monde, le coordonnateur l’a repérée et a demandé à travailler avec elle. D’abord pour un mandat de 5 mois, puis une prolongation de 6 mois, Mariam intègrera ensuite l’entité Enda Pronat pour continuer à animer des ateliers.
Un déclic par l’écoute
À l’époque, Mère Sow préparait des ateliers en milieu paysan avec la présence de scientifiques. Elle écoutait les propos des paysans·nnes et se repassait leurs constats. Le déclic apparu grâce aux discussions et échanges avec les communautés rurales. Elle comprit vite qu’il y avait une rupture. Les engrais chimiques n’étaient pas nécessairement efficaces pour l’agriculture, mais c’était surtout les terres qui étaient plus riches. « À l’époque, j’étais avec les scientifiques et je n’avais pas fait beaucoup d’études. Je me posais toujours des questions. À quoi bon continuer à dire que les pesticides sont dangereux et ne rien proposer à la place. Alors, j’ai pensé à passer à l’action et tester sur le terrain comment produire sans pesticide. »
Expérimenter pour proposer une solution
Ses premiers tests ont commencé dans la maison familiale rurale où elle était animatrice. Il y avait une partie de terrain non construite. Mère Sow rappelle fièrement que les premières expérimentations ont été faites avec les femmes qui y croyaient bien plus que les hommes. Pour ces derniers, la culture était beaucoup plus ancrée dans les engrais chimiques. « Chapeaux aux femmes d’avoir été les premières à se jeter dans l’eau à Bayakh ! (Commune de Thiès)». La première production avait bien fonctionné, mais la deuxième fut moins fructueuse et les femmes commencèrent à désespérer. « Avec les activités sur le terrain, on me posait toujours les mêmes questions, ok sans pesticides, mais il y a des ravageurs et sans pesticides ça ne marche pas. »
Étudier pour se renforcer
Mariam Sow s’est alors dit qu’il fallait qu’elle étudie pour répondre à cette problématique. « J’ai trouvé un centre de formation créé par Pierre Rabhi à Montpellier. » Toutefois, le problème se trouvait dans l’approche globale. Il ne s’agissait pas uniquement de la question des pesticides, mais de l’accès des femmes aux propriétés foncières Mère Sow recherchait une solution concrète qui lui permettrait d’apporter une réponse aux communautés. Néanmoins, c’est le modèle de pensée et d’appréhension tout entier qu’il fallait revoir. « Je pensais que ma formation à Montpellier me permettrait d’apprendre sur le terrain comment trouver un pesticide naturel, mais, en fait, il y avait des sociologues et des économistes et les techniques n’étaient pas au cœur de la formation. C’était surtout le modèle méthodologique. »
Dans la gestion des ressources naturelles, les enjeux sont multiples, économiques, sociaux, culturels et politiques. C’est dans cette vision systémique, empreinte de chacun de ses aspects que Mère Sow, à travers Enda Pronat, accompagne les communautés rurales dans la transition agroécologique.
Les communautés avant tout
Mariam ne dit pas une phrase sans mentionner les « communautés ». Elle considère que le modèle de changement doit partir d’elles. Mère Sow est tant imprégnée dans sa bataille pour la transition agroécologique à travers Enda Pronat, qu’elle-même dit « Je suis confuse. Je m’appelle Enda Pronat ou Mariam Enda. » Elle raconte que l’organisation avait accompagné des producteurs·trices de coton qu’ils et elles avaient nommé le coton Enda. « Au début je disais non. C’est votre coton, ce sont vos champs ». Toutefois, derrière cela se lisaient une réelle appropriation, une philosophie comprise et appliquée, « des champs écologiques qui fonctionnaient ».
S’unir pour mieux agir
« Les changements que nous voulons faire au niveau de nos modèles, de notre développement aucune structure ne peut prétendre les faire seule. » Mère Sow nourrit cette idée fédératrice. Elle suggère de créer différentes organisations, hommes, femmes, jeunes et d’alléger les chercheurs pour leur donner la liberté d’initier des changements. Ainsi, chacun en fonction de sa crédibilité devrait essayer de fonder quelque chose pour s’en appuyer afin de fédérer des actions.
La force de Pronat réside dans la fédération. Mariam Sow fédère les diversités et rappelle sans cesse que l’union fait la force. « Nous fédérons l’ensemble des organisations autour de l’agroécologie. ». Enda Pronat est membre de plusieurs réseaux partenaires nationaux et sous régionaux. L’organisation est fortement impliquée dans le dialogue sociopolitique. « Quelle que soit notre volonté de changement, si on n’interroge pas les politiques nationales et sous régionales, on ne change rien. Il faut une pression. On essaye d’unir nos forces et arriver à formuler des contributions pour pousser l’État à aller vers des changements. ». En 1982, Enda a impulsé cette question sur les pesticides et a réussi à suffisamment informer pour qu’aujourd’hui une multitude d’associations s’y intéressent.
Un partenariat multiacteur
Le partenariat multiacteur est un concept clé pour Mariam. Elle est arrivée à « faire en sorte que des instituts de recherches, tels que l’ISRA, (NDLR Institut sénégalais de Recherches Agricoles) travaillent avec les paysans. », à créer une fédération paysanne qui décide de changer dans les régions où les pesticides sont beaucoup utilisés (zones des Niayes, Tambacounda, bassin arachidier) et développer des réseaux paysans ainsi que des réseaux des maires.
Pleine d’ambitions et d’espoir pour la gestion des ressources naturelles, cette « fille de paysan » n’arrêtera jamais de porter toujours plus haut la voie des communautés pour améliorer leur qualité de vie et celles des générations futures.
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Cet article a été réalisé grâce au financement du Canada accordé par l’entremise d’Affaires mondiales Canada pour le Programme de coopération volontaire.