Par Samuel Faucher, agent en gestion de coopératives pour notre partenaire ALLPA au Pérou
Gelées et fonte des glaciers andins, sécheresses et inondations, sans oublier les glissements de terrain, le Pérou n’a vraiment pas gagné la loterie des changements climatiques (est-ce que quelqu’un gagne cette loterie, réellement?). Comme ailleurs, ces conditions climatiques augmentent la précarité de la population, en particulier de ceux et celles qui vivent en milieu rural, et cette précarité pousse plusieurs jeunes à chercher de meilleures opportunités économiques dans les villes.
Toutefois, depuis le début de mon mandat, je découvre des projets inspirants de paysans‧nes qui adoptent l’agroécologie afin de s’adapter au bouleversement de leur climat, réalisant que leurs pratiques habituelles étaient devenues obsolètes. Plusieurs de mes camarades vous ont déjà parlé des bienfaits de l’agroécologie1 pour faire face aux changements climatiques, cependant, ce qui a le plus capté mon attention, c’est la forme que prennent souvent ces projets : une coopérative.
Une solution de temps précaires
Au Québec, la coopérative n’a rien de nouveau, c’est un fait qui est même connu au Pérou! Je vous rappelle que votre Caisse populaire – Desjardins – a commencé en étant un projet de coopérative d’épargne et de crédit pour agriculteurs (soyons honnêtes, aucune agricultrice n’avait accès au crédit à cette époque2). En pleine Révolution industrielle, le Québec faisait face à une série de mauvaises récoltes et plusieurs familles ont dû s’exiler dans les grandes villes québécoises ou états-uniennes afin de ne pas succomber à la pauvreté et la famine. Alphonse et Dorimène Desjardins avaient ainsi parti cette coopérative pour venir en aide aux familles qui restaient.
Quant au Pérou, les coopératives ont été découragées par le gouvernement – militaire et civil – jusqu’à la fin de la Guerre froide. Cependant, comme au Québec, les coopératives ont gagné en popularité dans une période de grands changements et de précarité. Pourquoi en est-il ainsi?
Les coopératives : Le David de notre Goliath contemporain?
L’essence d’une coopérative est l’aide mutuelle. Les agricultrices et agriculteurs comprennent qu’unir leurs forces est une solution gagnant-gagnant. Les coopératives sont notamment un lieu qui permet l’échange de connaissances et de pratiques. Dans un monde en changement comme le nôtre, cet échange permet aux individus de s’adapter plus rapidement et facilement.
Les coopératives avec lesquelles j’ai travaillé ont toutes établi des bourses permettant aux enfants des membres de la coopérative de poursuivre leurs études supérieures en agriculture. Les jeunes reviennent ensuite dans leur communauté pour partager et mettre en pratique ce qu’ils et elles ont appris. Cette initiative permet ainsi de résoudre des problèmes de sous-éducation chez les paysans‧nes et de diminuer l’exode rural3.
Ainsi, l’organisation des paysans et paysannes autour d’une coopérative permet l’élaboration d’initiatives comme les bourses ou la construction de projets de gestion des ressources naturelles, tels un système d’irrigation et des réservoirs d’eau4. Cela leur permet également de répondre rapidement aux désastres naturels et d’ainsi diminuer leur impact.
En conclusion, les coopératives ne sont pas nécessairement un héros biblique qui nous sauvera à lui seul du défi titanesque auquel nous faisons face, mais elles sont une initiative astucieuse qui, je crois, devrait être appliquée plus souvent pour braver les malheurs des changements climatiques (sans parler des avantages des coopératives dans notre monde capitaliste et mondialisé).
Sources
1 Vincent, R. (2016, 17 juin). L’agroécologie au service de la lutte contre les changements climatiques. Blogue SUCO. http://suco.org/blogue/lagroecologie-au-service-de-la-lutte-contre-les-changements-climatiques/
2 Massicoli, E. (2019, 28 juin). L’autonomie financière des Québécoises : petite histoire d’un parcours sinueux. La Gazette des femmes. https://gazettedesfemmes.ca/14934/lautonomie-financiere-des-quebecoises-petite-histoire-dun-parcours-sinueux/
3 Dorigon, C. (2015). Le passage du modèle de l’agriculture familiale à un modèle coopératif familial autour des produits coloniaux au sud du Brésil. Bulletin de l’association de géographes français, 92(3), 353-363. https://doi.org/10.4000/bagf.713
4 Galicia Gallardo A.P., Ceccon, E., Castillo, A. et González-Esquivel, C.E. (2021). Resisting socio-ecological vulnerability: agroecology and indigenous cooperativism in La Montaña, Guerrero, Mexico. Agroecology and Sustainable Food Systems, 45(1), 65-85.: https://doi.org/10.1080/21683565.2020.1793871