Repenser notre mode de consommation

Par Alice Livia Okengue Rovariah, ancienne stagiaire PSIJ et membre du Cercle Transition 18+

Sénégal

L’Afrique de l’Ouest est une région où la souveraineté et la sécurité alimentaire revêtent une importance vitale compte tenu de la dépendance de nombreuses communautés à l’agriculture et de la vulnérabilité aux changements climatiques. Des zones semi-arides du Sahel aux zones tropicales humides font de l’Afrique de l’Ouest une région particulièrement dépendante aux précipitations. De ce fait, la disponibilité des cultures et des produits alimentaires locaux repose sur de nombreuses petites exploitations agricoles familiales confrontées à des sécheresses ou inondations récurrentes. Ces événements météorologiques extrêmes entraînent des mouvements populationnels vers les zones rurales, influençant la demande alimentaire, la distribution et la pression sur les ressources agricoles locales (Baborska, R. 2021). 

La pandémie de Covid-19 à l’échelle planétaire a provoqué des ralentissements voire l’arrêt de certains secteurs économiques. En Afrique subsaharienne, les difficultés rencontrées par les ménages se sont faites ressentir dans le bien-être nutritionnel des populations et la capacité des systèmes alimentaires à répondre aux besoins de base de ces dernières. La gestion de cette crise a occasionné un réaménagement des budgets et des interventions publiques sur des secteurs à fort potentiel de croissance économique et d’inclusion sociale. D’ailleurs, le modèle de développement du Plan Sénégal émergent (PAP 2A), ajustement du Programme d’accélération de la cadence de l’agriculture sénégalaise (PRACAS), révèle l’agriculture, l’élevage, la chasse et l’aquaculture comme secteurs à fort potentiel de croissance pour le pays et/ou d’emplois. L’axe « Capital humain, protection sociale et développement durable » de ce dernier, se focalisait sur l’amélioration et le bien-être des populations avec dix objectifs dont l’amélioration de l’état de santé et de la nutrition des populations (OS1) (République du Sénégal., 2020).

Évolution de l’insécurité alimentaire de 2018 à 2022

Cependant, le système agricole peine à assurer la sécurité alimentaire des citoyens et citoyennes, malgré une hausse de l’offre, une meilleure accessibilité économique et une proximité physique (République du Sénégal., 2020). En 2018, le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave était de 5,4 millions, dont, 1,4 million de femmes, 1,7 millions d’hommes et 2,3 millions d’enfants. En 2022, le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave atteignait 8,4 millions au total, avec 2,4 millions de femmes, 2,5 millions d’hommes et 3,5 millions d’enfants touchés. Pour comprendre l’impact de l’insécurité alimentaire sur la population, on peut également analyser le nombre d’individus qui vivent dans des ménages en situation d’insécurité alimentaire. Le Sénégal affiche une prévalence d’insécurité alimentaire modérée ou grave de 49,8%, en 2022, soit relativement faible à modérée comparativement à d’autres pays en Afrique de l’Ouest (Benin : 73,6 % ; Côte d’Ivoire : 44,2% ; Togo : 62,8% Burkina Faso : 56.9%) (FAOSTAT., 2023). 

Pendant la pandémie, la chaîne d’approvisionnement alimentaire et nutritionnel du pays a été perturbée et les aspects fondamentaux de la souveraineté alimentaire mis au-devant de la scène. Après la pandémie, le ministère de l’Économie, du Plan et de la Coopération a intensifié ses efforts en renforçant amplement l’appareil productif du pays. Dès 2021, cela s’est manifesté par une augmentation de la production agricole pour répondre aux besoins de consommation interne et par la redynamisation du secteur agroalimentaire en vue d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. 

Des pistes de solution pour une souveraineté alimentaire au Sénégal

Le Sénégal œuvre massivement pour l’atteinte d’une souveraineté alimentaire et met l’accent sur la capacité de la région à définir ses propres politiques alimentaires, à contrôler leurs systèmes agricoles et à garantir un accès équitable et durable aux ressources. La relance du secteur agricole du pays, sur la période 2021-2023 est essentiellement tirée par le projet d’appui au programme national d’autosuffisance en riz (PNAR), le projet de développement de la chaîne de valeur riz (PDCVR), la création d’agropoles et d’autres infrastructures de stockage de produits agricoles. Le PNAR, c’est plus de 1 600 000 tonnes de paddy de riz et 1 080 000 tonnes de riz blanc produits. C’est également le renforcement de la nutrition des ménages vulnérables et l’amélioration de la protection sociale des communautés pour une sécurisation de leurs moyens d’existence. Le PDCVR lui, mis en œuvre dans le cadre du PNAR, vise entre autres à augmenter les revenus des petits·es exploitants·es et à créer des opportunités commerciales pour les producteurs·rices de riz ciblés·es dans le but de faciliter l’accès au marché.

Le Sénégal s’est également engagé dans une dynamique de construction du marché commun africain afin de profiter pleinement du commerce régional à travers une stratégie nationale de Zone de libre-échange continental africain (ZLECAF). D’ici 2035, l’objectif principal de ce dernier est d’accroître les exportations agricoles vers l’Afrique d’au moins 49% par la diminution des tarifs douaniers et des mesures administratives facilitant les échanges (The World Bank., 2020). Afin d’instaurer un nouvel environnement commercial propice à la stimulation de la productivité et des investissements, il sera nécessaire d’adopter des lois et des réglementations favorisant la libre circulation des marchandises, des capitaux et des informations à travers l’ensemble des frontières du continent. La ZLECAF, entraînerait une réaffectation attendue humaine, matérielle et financière des ressources entre les secteurs et les pays africains. 

Livia durant son stage en Côte d’Ivoire

Références :

  1. Baborska, R. 2021. Suivi des politiques agricoles et alimentaire au Sénégal 2021. Rapport d’analyse politique. Suivi et analyse des politiques agricoles et alimentaires (SAPAA). Rome, FAO. https://www.fao.org/3/cb7078fr/cb7078fr.pdf
  1. République du Sénégal. Ministère de l’économie du plan et de la coopération. (2020). Plan d’action prioritaire 2 ajusté et accéléré pour la relance de l’économie (PAP 2A). https://www.finances.gouv.sn/wp-content/uploads/2021/04/PAP2A_FINAL_VFINALE_14_12_WEB.pdf
  1. Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Statistiques https://www.fao.org/faostat/fr/#country/195
  1. International Bank for Reconstruction and Development / The World Bank. (2020). The African Continental Free Trade Area. Economic and Distributional Effects. https://openknowledge.worldbank.org/server/api/core/bitstreams/ef1aa41f-60de-5bd2-a63e-75f2c3ff0f43/content