Du 7 au 19 décembre 2022 se tenait la 15e Conférence des parties (COP15) sur la question de la biodiversité, à Montréal. Mais que retenir de ces 13 jours et du Cadre mondial qui en découle ? Voici notre bilan.
Nos actions
La délégation SUCO au Palais des congrès !
Composée de 7 employés·es et membres du C.A. et d’un ancien stagiaire du Programme de stages internationaux pour les jeunes, notre délégation accréditée pour entrer au Palais des congrès a pu assister, le 6 décembre, à la cérémonie d’ouverture de la COP ainsi qu’à la plénière du lendemain à titre d’observateurs·rices. Ils et elles ont eu l’opportunité de retourner aux nombreuses séances de travail et de discussion tout au long de la conférence.
« Ce fut une expérience enrichissante de participer à la COP15 et de voir de près les négociations. Pendant 2 semaines, nous avons assisté à de nombreux échanges inspirants, et avons eu l’occasion de créer des liens avec de nombreuses organisations environnementales. Cette effervescence nous a donné un bon boost d’énergie et nous ouvre de nouvelles perspectives de mobilisation pour continuer à mener notre mission ici au Québec et dans nos pays d’intervention! » – Maud Pidou, responsable des communications et des projets nationaux, SUCO.
Puis est venu le moment tant attendu pour SUCO : le 14 décembre au matin, notre directeur général Christian Champigny a prononcé un discours lors de l’officialisation de la seconde phase du projet SAGA, en compagnie de Maria Helena Semedo, Directrice générale adjointe de la FAO et Martine Biron, Ministre des relations internationales et de la francophonie et Ministre responsable de la condition féminine du Québec. Le premier volet du projet avait permis à SUCO de réaliser en partenariat avec le GRAIM, le projet DAK (Dund ak Kéew bi) au Sénégal.
Pour le second volet, cette entente entre le gouvernement du Québec et l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) sera mise en œuvre entre 2023 et 2026 et soutiendra l’adaptation aux changements climatiques en Haïti, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, trois de nos pays d’intervention.
SUCO engagée au cœur du Collectif COP15
SUCO est l’une des 100 organisations qui composent le Collectif COP15, un regroupement de la société civile qui s’est mobilisé pour la sauvegarde du vivant dans le cadre de la COP15. L’objectif était d’inciter les gouvernements à poser des gestes ambitieux et concrets tout en incluant une diversité de voix pour la protection de la nature.
De nombreuses initiatives de mobilisation ont été mises en place avant et tout au long de la conférence des parties : communiqués de presse, campagne de sensibilisation sur les médias sociaux, la Grande marche pour le vivant du 10 décembre à Montréal, ainsi que multiples panels, conférences et expositions en marge des événements au Palais des congrès. Nous vous invitons d’ailleurs à lire la déclaration du collectif suite à l’adoption du cadre Kunming-Montreal, le 19 décembre.
Dans ce cadre, nous avons présenté un panel de discussion sous le thème « Biodiversité et résilience aux changements climatiques », en partenariat avec Victimes des pesticides du Québec et Jeunes volontaires pour l’environnement – Bénin, devant près de 100 participants·es en ligne et en personne à la Maison du développement durable, le 14 décembre dernier.
Nos panélistes Serge Giard, Amandine François, Geneviève Talbot et Mawusé Hountondji ont abordé l’impact de l’utilisation des pesticides sur la biodiversité et sur la santé des individus en Amérique du Nord, en Amérique latine et en Afrique, en plus de parler de la réglementation entourant les semences et de l’importance de conserver une diversité biologique pour nous assurer une résilience aux changements climatiques.
Quelles étaient leurs attentes face à la COP15?
« Avoir une cohésion mondiale pour la réglementation des pesticides. On compte encore 7600 tonnes de pesticides interdits en France qui sont exportés de ce pays vers plusieurs pays du sud. 95% des victimes des pesticides sont dans les pays du Sud. » Amandine François, coordinatrice générale, Victimes des pesticides du Québec.
« L’inclusion d’une perspective plus large de ce qu’on veut dire par “agriculture” dans la cible 10 du cadre mondial – donc penser à l’agroécologie. Il y a certainement un rôle à jouer dans la promotion de la biodiversité par le secteur agricole. » Geneviève Talbot, Chargée de programme – Pôle Afrique, et spécialiste des systèmes alimentaires et de la résilience aux changements climatiques chez SUCO
« 3 choses. 1. Il faut que les jeunes parlent plus de la convention sur la biodiversité. 2. L’inclusion de la notion du “local” pour la sauvegarde de la biodiversité. 3. Exhorter les partis à avoir un plan ambitieux, clair, contraignant, qui permet aux dirigeants de savoir qu’ils ne peuvent plus faire n’importe quoi, parce que les gens les regardent. » Mawusé Hountondji, directeur Jeunes volontaires pour l’environnement Bénin
En plus de nos panélistes, des invités·es de taille étaient attendus·es lors du panel : les jeunes du Cercle Transition SUCO de l’École Secondaire Mont-Royal !
Une quinzaine de jeunes filles et garçons du Cercle se sont rendus·es sur place afin d’assister à la discussion. Après avoir travaillé tout l’automne sur des actions de mobilisation en lien avec la COP15, ils et elles ont finalement pu voir le fruit de leur travail dans la salle : leurs visuels et plaidoyer avaient été affichés et les participants·es se sont prêtés·es au jeu lors d’un quiz sur les systèmes alimentaires créé par le groupe ! Ils et elles ont même eu l’occasion de poser leurs questions directement aux panélistes à la fin de l’événement.
Finalement, notre série d’événements pour la COP15 s’est conclue le 16 décembre avec la co-organisation de l’événement organisé par l’AQOCI « Les communautés locales au cœur de la défense de la biodiversité », à l’Université du Québec à Montréal. Kiosque, panel avec des partenaires du Sud et cocktail réseautage ont ravi les participants·es.
Nos réactions
Éditorial de Geneviève Talbot et Maud Pidou
Les bons coups
Le Cadre mondial Kunming-Montréal est un accord somme toute ambitieux et porteur d’espoir, s’il est bien mis en œuvre. SUCO souligne particulièrement l’inclusion de l’agroécologie dans l’objectif 10 et l’ajout de deux cibles relatives aux questions d’égalité des genres, soit les cibles 22 et 23. Nous suivions de près les négociations sur ces deux aspects au sein de l’accord final.
Un autre point que nous avons suivi avec attention est la reconnaissance du rôle primordial que jouent les peuples autochtones et les communautés locales dans la préservation de la biodiversité. Ainsi, la mise en œuvre du Cadre doit se faire avec « leur consentement libre, préalable et éclairé » (section C. alinéa 8). Les connaissances et les pratiques traditionnelles des communautés locales et des peuples autochtones sont ainsi reconnues comme des éléments essentiels du succès de la préservation de la biodiversité.
Quelques préoccupations
Certains aspects nous préoccupent dans l’accord négocié, comme le délai pour l’atteinte des objectifs A, B, C et D, qui a été prolongé de 2030 à 2050.
Ce délai, bien qu’il semble être le fruit d’une négociation, demeure inquiétant. Si l’on prend pour exemple l’objectif C (portant sur le partage et la protection des ressources génétiques), cela voudra dire qu’il sera toujours possible de privatiser le savoir traditionnel et les séquences génétiques des plantes jusqu’en 2050. Quel sera l’impact de cette décision sur les systèmes semenciers paysans, sur les savoirs traditionnels ?
Ensuite, la cible 7, qui aborde les pesticides, aurait pu prendre en compte non seulement la réduction des risques liés à ces produits chimiques, mais aussi le retrait total de l’usage de ces derniers.
Sur un autre sujet, le fait que l’accord n’a pas été signé par consensus, mais plutôt à l’unanimité, nous préoccupe également. En effet, la République Démocratique du Congo a refusé de signer l’accord, car le financement ne serait pas à la hauteur des besoins. Alors que la RDC est le seul pays qui n’a pas donné son accord, d’autres pays, comme le Cameroun, ont mentionné qu’ils ont signé l’Accord mais qu’ils n’étaient pas satisfaits de la hauteur du financement. Ce refus d’appuyer le Cadre est important lorsqu’on considère la richesse de la biodiversité et des ressources naturelles de ces pays.
De plus, la marchandisation du vivant et de la nature demeure aussi sous-jacente au Cadre mondial. La privatisation des richesses naturelles, des savoirs et des gènes peut mener à l’exclusion. Est-ce que le Cadre mondial Kunming-Montréal protège vraiment de la marchandisation de la nature? Il est aussi difficile d’envisager la protection et/ou la restauration de la biodiversité sans s’engager dans une transition vers un nouveau modèle économique. Il est important d’avoir une vision systémique, holistique, des enjeux actuels. Pour y parvenir, il faut sortir d’une perspective de marchandisation des ressources. C’est dans cet esprit que SUCO a signé l’Appel de Montréal et le Manifeste pour la biodiversité, la justice sociale et écologique.
Finalement, il est important de lier les 3 Conventions de Rio, soit celle sur la désertification, celle sur les changements climatiques et celle sur la biodiversité, afin de reconnaître que la Terre est un écosystème vivant dont l’être humain est un acteur parmi tant d’autres.
Crédit photo : Baki (Montréalographe)