Un Burkina vert et créatif

Par Audrey Bédard, volontaire au Burkina Faso

Avec SUCO, j’ai la chance d’effectuer un stage chez Yelemani, un organisme burkinabé qui travaille pour la souveraineté alimentaire du pays et qui fait la promotion de l’agroécologie. 

La valeur de l’agroécologie 

L’agroécologie est un concept selon lequel on cultive sans intrants chimiques ; ni pesticides ni engrais, où l’on respecte les écosystèmes existants et qu’on s’en inspire même. Je connaissais déjà quelques pratiques de base issues de cette école de pensée, comme la permaculture qui consiste à associer certaines espèces de végétaux pour leur permettre de répondre mutuellement à leurs besoins. Ou encore l’agroforesterie, qui consiste à inclure des arbres dans les cultures pour créer un climat favorable à la croissance de certains végétaux, limiter l’érosion, accroître la rétention d’eau, fertiliser le sol, etc.

L’agroécologie s’inspire des écosystèmes pour développer des méthodes innovantes de cultiver. L’écosystème, c’est l’ensemble des êtres vivants en interrelation avec leur environnement. En fait, c’est tout ce qui permet à l’environnement d’être stable et fonctionnel : les végétaux, les insectes, l’eau, les minéraux du sol, le soleil. L’interaction entre tous ces éléments permet de développer un équilibre naturel permettant de répondre aux besoins de chaque être vivant de cet écosystème. En ce sens, vous comprendrez que les écosystèmes canadiens et sahéliens sont très différents. 

Au cours de mon mandat, j’ai eu l’opportunité de voir des maraîchers et maraîchères burkinabés à l’œuvre et malgré le climat aride, les sols sablonneux et très compacts, la rareté de l’eau, ils et elles ont réussi à mettre en place des pratiques réellement innovantes. L’une d’entre elles est le Bokashi. 

La technique du Bokashi 

Le Bokashi est une méthode de compostage rapide avec un rendement vraiment impressionnant. Il est prêt en seulement 15 jours, alors que le compost traditionnel est prêt en 60 jours. Il est tellement riche qu’il permet de cultiver même dans les zones les plus arides. Cette pratique n’est pas encore très répandue, mais elle gagne du terrain. Certaines ONG comme Yelemani l’utilisent et tentent de faire la promotion de cette pratique. J’ai eu le privilège d’assister à une courte formation sur la fabrication de cet intrant biologique. 

Les ingrédients utilisés sont :

  • Des matières organiques/fumier. Celles-ci offrent un bon apport en azote.
  • Du charbon de boisSon aspect poreux permet une meilleure rétention des éléments nutritifs et micronutriments, en plus de garantir une meilleure texture du sol. Il retient l’eau, capte les minéraux, apporte de l’oxygène au sol et facilite la croissance des racines.
  • De la mélasse (peut être remplacée par du jus de canne ou du sucre roux). Permet d’activer les microorganismes.
  • De la levure de boulangerieInitie le processus de fermentation.
  • De la paille (peut être remplacée par des balles de riz, des feuilles sèches ou un mélange de végétaux secs)La paille est une source de carbone pour le sol. Elle permet aussi une rétention accrue des éléments nutritifs et, comme le charbon, elle améliore la structure du sol.
  • Du son de blé ou son de riz. Génère un apport intéressant en carbone, phosphore, vitamine B, minéraux et protéines. Il stimule la fermentation et nourrit les micro-organismes.
  • De la cendre. Permet de diversifier les minéraux du mélange.
  • Des plumes. Apportent des aminoacides.
  • De la terre argileuse. Retient l’humidité du sol, permet d’homogénéiser la texture du Bokashi et retient l’ammoniaque.
  • De l’eau sans chlore. 

Pour faire le Bokashi on empile tous ces ingrédients en plusieurs étages dans un tas à l’air libre. Puis, on le remue et arrose légèrement matin et soir pour faciliter sa fermentation. Au bout de 15 jours, on obtient un engrais naturel de très grande qualité qui fera fleurir vos plants comme jamais. 

Selon les besoins du sol et des ressources à disposition, il est possible de modifier la ‟recette″ du Bokashi. Cet engrais biologique permet grandement d’améliorer la santé du sol et ses récoltes. 

Des impacts durables

Les engrais chimiques peuvent sembler intéressants pour plusieurs puisqu’ils sont facilement accessibles. Ils ont un effet quasi immédiat , mais avec le temps, ils détériorent les sols et rendent les terres moins productives, en plus d’être coûteux. Des solutions naturelles comme le Bokashi dégagent progressivement les nutriments dans le sol, ce qui fait en sorte qu’ils agissent longtemps après leur application. En effet, le Bokashi agira sur la structure du sol positivement pendant près de 3 ans. Idéalement, on suggère tout de même de l’appliquer 3 fois par an (dans le contexte climatique sahélien). Il rend les plants plus résistants, améliore la structure du sol, accroît la rétention d’eau et augmente considérablement le taux de nutriments dans le sol. 

Que ce soit pour agir comme pesticide ou engrais, il existe plusieurs alternatives biologiques aux produits commerciaux. Développer ses propres intrants demande du temps, mais leurs effets sont durables et ils ne représentent aucun risque pour votre santé et celle des écosystèmes environnants. Le Bokashi n’est peut-être pas le produit le plus adapté à notre réalité occidentale, mais le simple fait de comprendre comment ses composantes agissent sur le sol permettent de démontrer dans une certaine mesure qu’il est possible de délaisser les intrants chimiques pour avoir de bonne récoltes et améliorer la santé des sols. Je suis convaincue qu’avec un peu de volonté et de recherche, vous pourrez délaisser les intrants chimiques pour votre jardin cet été.